Au nom de l'inculture

Au nom de l'inculture

Je me souviens de ces matins humides de rosée
Quand l'herbe était jeune et tendre comme mes premières années
Ca fait déjà toute une journée
Que je reste seul enfermé
Dans ce réduit obscur et noir
Où règne une drôle d'odeur bizarre
Ils ont cru bon de raccourcir et de meuler mes pauvres cornes
Et cette eau sale que j'ai bue
Me rend malade, j'me sens perdu

Mes yeux noirs se sont voilés
Avec ce beaume qu'ils m'ont collé
Mon regard est déjà moins clair
Et je ressens moins la lumière

Ces drôles de bruits que l'on entend
Me résonnent si fort dans la tête
Et tout ces cris me font si peur
Je deviens fou, faut qu'ça s'arrête

Pourquoi au nom de la culture
Fait-on souffrir de pauvres êtres
Au nom d'un art, d'une imposture
Le monde peut-il être si bête?
Le portail s'ouvre c'est l'plein soleil
J'évite les capes qui me frôlent
Je cours, je cours, je m'essouffle
Ce jeu n'est pourtant pas si drôle
Et toute cette foule qui me regarde et qui me siffle impunément...
Pourquoi cet homme sur son cheval
M'enfonce sa lance si cruellement
Que je ne peux r'lever la tête
Je souffre tant, faut qu'ça s'arrête
Ils appellent ça le châtiment
Mais qu'ai-je fait de si méchant?

Et ce pantin qui s'avance
En se moquant de ma douleur
Pourquoi m'enfonce-t-il dans le dos
Toutes ces vrilles de couleur
Pourquoi au nom de la culture
Fait-on souffrir de pauvres êtres
Au nom d'un art, d'une imposture
Le monde peut-il être si bête?

Et puis ces ombres
Qu'est-ce qu'elles me font
A me tourner autour du corps?
Je souffre, je pleure et j'ai si mal
Faîtes donc appel au matador
Tu peux parader, tu es fier
Devant ces belles femmes qui t'admirent
Mais cesse de bomber le torse
Tu n'es qu'un pleutre, un triste sire
Plonge ton regard dans mes yeux noirs
Tu n'y verras que de la peur
Arrête donc cette indécence
Et frappe-moi fort avec ardeur
Tu me traverses par trois fois
Pour mettre fin à ce calvaire
Je bouge encore, sursaut de vie
Je suis Taureau, et je suis fier

Pourquoi au nom de la culture
Fait-on souffrir de pauvres êtres
Au nom d'un art, d'une imposture
Le monde peut-il être si bête?

Mais sur le flan je suis couché
Mon sang m'étouffe, je manque d'air
Et toi bourreau je t'en supplie
Ne reviens donc pas en arrière
Enfonce ta lame dans ma nuque
Qu'on en finisse, j'ai trop souffert
Et traîne-moi comme un fardeau
Sur cette terre de misère
Que j'aille mourir comme il se doit
Loin de ces regards assassins
Pour plaire à l'homme qui nous méprise
Au nom de cet art incertain
Tant d'agonie et de bêtise
Pour amuser de pauvres cons
Si c'est cela être un humain
Alors mon Dieu pardon, pardon

Je n'suis bien sûr qu'une pauvre bête
Mais vous humains
Qu'est-ce que vous êtes?
Qu'est-ce que vous êtes?
Paroles et musique (et interprétation) Phil Pariss